Le speycast
Cette technique, inventée au 19ème siècle, dans la rivière Spey en Écosse, permet de lancer de grosses mouches à saumon (jusqu’à 7/0) dans des rivières larges avec des dégagements arrières interdisant le lancer aérien.
Mon objectif personnel était de trouver une technique adaptée à la pêche du brochet en Seine ou l’on se trouve dans les mêmes conditions que pour la rivière Spey (talus, arbres et ronciers, impossibilité d’entrer dans l’eau.. etc) ; un roulé classique avec canne de 9 pieds et soie de 9 ne permettant de lancer qu’un maximum de 0,5 gr, soit un streamer de taille moyenne non lesté, quatre à cinq fois moins qu’une mouche à brochet classique.
Le speycast facilite les changements de direction qui ne nécessitent que deux mouvements. Elle se pratique main gauche main droite en fonction de la rive et du vent. On utilise une canne à deux mains (15 pieds soie de 10 étant le standard) ; certains mouvements peuvent être transposés sur une canne à une main.
Le stage était organisé par le Club des Saumoniers avec 6 stagiaires (tous ayant une longue expérience de pêcheurs à la mouche classique) et deux moniteurs qui pêchent le saumon depuis des décennies.
Le spot d'entraînement était Châteauneuf sur Loire et correspondait aux exigences de la discipline, c'est-à-dire une rive sableuse bien sécurisée avec beaucoup de dégagement, un courant de force moyenne et de l’eau jusqu’à mi-cuisse à 20 m du bord.
Chacun avait apporté ses cannes et ses soies, ce qui a permis de faire des échanges ; la particularité du speycast est la multitude de combinaisons possibles. Il existe deux types de lignes de base : les shootings et les soies. A l’origine, les soies étaient données avec 3 numéros (ex : 8/9/10 correspondant à la soudure d’une running line de 9 à un ventre (belly) de 10 et à une pointe de 8); mais chaque fabriquant à maintenant sa façon de codifier. Dans la pratique, l’idéal pour un débutant est d’utiliser une soie short head flottante, en un seul tenant, les autres combinaisons sont pour les lanceurs confirmés. On utilise un bas de ligne court, un polyleader pour les shootings et, dans tous les cas, un gros morceau de laine pour remplacer la mouche.
Pour ces séances de lancer intensif, il est recommandé d’utiliser une canne d’au moins 13’. Tous les participants étant droitiers, le stage s’est déroulé rive gauche.
La soie doit être sortie de la canne jusqu’à la limite du belly, souvent marquée par un changement de couleur.
Question moulinet, outre qu’il doit équilibrer une canne longue à court bras de levier, 200m de 30 livres de backing sont recommandés car le saumon peut utiliser le courant et dévaler plus vite que le pêcheur,
En pratique, le speycast permet de prendre une soie le long de la rive pour la relancer perpendiculairement à celle-ci afin de peigner la rivière avec, en cas de besoin, possibilité de couvrir les 180°. Lors de l’entrainement on peut se limiter à un angle de 45° pour augmenter la fréquence des lancers car la tension de la soie par le courant ne demande que quelques secondes.
La formation commence par une séquence d’information sur la sécurité : port de lunettes, de chapeau et si nécessaire d’une ceinture gonflable, respect de la distance entre les pêcheurs et choix du lancer en fonction du vent etc…
Le premier mouvement étudié est le lancer par dessus la tête (overhead) suivi par le roulé à deux mains. Dans le lancer overhead, on apprend à décoller progressivement la soie tendue par le courant afin de charger la canne de la position de scion dans l’eau avec accélération à partir 11h et blocage à 13h. On y travaille la régularité du point d’arraché, la flexion maximale avant et arrière et surtout l’utilisation de la main gauche comme directeur de propulsion. Ce lancé est aussi utilisé dans la pêche du saumon quand le dégagement s’y prête.
Le lancer roulé avec canne à deux mains permet d’utiliser le travail des épaules et d’introduire le mouvement de spey simple.
Le spey simple ressemble donc à un lancer roulé, la différence réside dans la continuité du mouvement (roulé dynamique sans temps morts), la position du corps avec le pied droit en avant dans la direction de la cible et un mouvement de côté incliné en U (11h-9h-11h) pour créer la boucle arrière (D loop) avec ancrage sur l’eau au niveau du pêcheur. La canne reste croisée sur la poitrine et la propulsion du shoot avant (blocage à 11h) est dirigée par la main gauche (à 50% dans le lancer anglais et 80% dans le lancer nordique).
C’est l’usage principal de la main gauche qui est le plus difficile à acquérir pour un pêcheur à la mouche traditionnel. Il existe de nombreuses méthodes pour perdre ses habitudes qui vont de sangler le bras droit à travailler à vide la canne en faisant tourner la poignée avec la main gauche, autour d’un pivot fixe défini par la main droite. Pour ma part, j’ai trouvé que l’utilisation d’une canne Zpey à poignée décalée était très efficace. Comme cette poignée décalée se tient par le dessous entre le pouce et l’index alors que la prise main droite se fait entre deux doigts, on est bien obligé de travailler en souplesse en s’aidant presqu’exclusivement de la main gauche.
Comme la nuit tombe vite en décembre, le stage s’est poursuivi par le visionnage de plusieurs démonstrations des gurus de la discipline comme Scott Mackenzie (champion du monde de lancer), Ian Gordon (vice champion). J’ai particulièrement apprécié un DVD assez ancien, développé pour convaincre les Américains d’utiliser les cannes à deux mains. Les démonstrations, focalisées sur le simple et le double spey, sont effectuées par des Ecossais, des Norvégiens et des Japonais, ce qui permet de comparer les styles avec des résultats en distance (40m et plus) assez voisins, même si le japonais n’utilise qu’une canne switch de 12 pieds. Le DVD le plus complet sur tous les mouvements du speycast, restant celui de Simon Gawesworth RIO’s Modern Spey casting.
Comme le membre du club qui assurait l’hébergement, avait un atelier de montage de fly tubes nous avons aussi discuté des mouches utilisées pour le saumon, le comportement des poils et plumes dans les forts courants et les nœuds associés. Cette pêche génère beaucoup de ratés et fait l’objet de réglementation variable suivant le lieu. L’hameçon simple est autorisé partout mais produit des décrochages : casse au démarrage, hameçons ouverts, poisson prenant appui sur la hampe de l’hameçon ou sur un rocher pour se libérer. Les hameçons doubles rendent la mouche plus stable dans le courant, la mouche tube peut faire l’objet d’un montage sur place avec hameçon triple (le plus efficace) double ou simple, plus ou moins dégagé, auquel on peut ajouter un lestage ou un disque de tête qui améliore l’animation dans le courant.
La seconde journée était consacrée au perfectionnement du simple spey et à l’introduction du double spey et à d’autres mouvements. Au final nous avons eu droit à une démonstration des mêmes mouvements utilisés avec une canne à une main et par comparaison avec les lancers traditionnels. Avec une seule main, on utilise principalement le spey simple et double, le snap T pour aligner le train de mouches et le turbo spey (double traction au moment du shoot final). Avec cette technique, dans un endroit sans recul, il est possible de relancer les mouches en deux mouvements sur 180° et à bonne distance.
Le Club des Saumoniers regroupe, autour d’un blog (http://forum.club-des-saumoniers.org/), plus de 200 membres dispersés sur toute la France ; c’est le premier stage en région parisienne qui est proposé depuis deux ans, du fait de la difficulté de trouver un bon spot d’entrainement et un hébergement chez un représentant local. D’autres stages sont proposés au cours de l’année dans des régions où le saumon se pêche (Bretagne, Normandie, Toulouse, Grenoble…).
Le prix du stage est de 30 euros pour deux jours (ajouter 20 euros pour l’adhésion au club). Chacun apporte de la nourriture pour le pique nique du midi, et son matériel de lancer.
Conclusions :
C’est un stage très complet avec des moniteurs expérimentés et pratiquement deux jours de cours particuliers ; par la suite, il est nécessaire de beaucoup pratiquer, et de participer à plusieurs stages pour couvrir l’ensemble des possibilités que propose cette technique.